Intérieurs
Ajustant sa focale sur un environnement plus proche et quotidien, Michel Huelin s’en prend ensuite à nos «paysages domestiques», ceux de nos intérieurs tels que sofas, fauteuils, coussins, lits, matelas… Ou plutôt leurs images numérisées sur catalogue et présentées isolément, hors contexte. Des images proches de l’abstraction qu’il s’emploie à simplifier encore pour les réduire à l’essentiel et à peindre par fines couches presque transparentes ,avec des résines alkydes qui leur donnent un aspect parfaitement lisse et laqué d’où toute trace de pinceau et de «fait main» est exclue. Les déformations et les jeux cinétiques des motifs géométriques de leurs tissus (rayures, losanges, carreaux...) suffisent à leur donner formes et volumes arrondis, mous, enveloppants. Or leurs brillances et reflets contribuent à les dématérialiser encore un peu plus et à les suspendre comme en état de lévitation. Et si leur surface miroitante fait mine d’inclure le spectateur dans son espace et son intimité, c’est pour mieux le tenir à distance derrière son épiderme vitrifié. Digitalisé, l’univers domestique se dérobe et n’accueille plus les corps pour lesquels il a pourtant été conçu. Dans un monde deplus en plus virtuel, l’homme perd pied et ne sait plus trop où est sa place.
(Françoise Jaunin, Voyage en Intermonde, Infolio, 2023)
Banquette, 1995, peinture alkyde sur Aerolam,

Sofa, 2019, peinture acrylique sur Corapan,


Exposition
MAMCO, Musée d’art moderne et contemporain, Genève, 1999
MAMCO, Musée d’art moderne et contemporain, Genève, 1999

Il y a, aimerait-on donc avancer, un inconscient à l’oeuvre dans le travail de l'artiste, qui confère parfois à telle ou telle image (d'un lit ou d'une eau stagnante) une nouvelle portée. D'une façon presque somnambulique, la peinture se confond alors avec la nuit et son sujet abandonne sa souveraine présence pour n'être que la proposition d'une image mentale. Et quoi de plus simple a suggérer au spectateur à demi éveillé qu'un lit pour le reconduire dan le monde virtuel de ses rêves? Un jour me suis-je ainsi réveillé avec le souhait - à la fois loufoque et persistant - de voir une peinture aussi «juste» que la couverture qui recouvrait mon lit. Et, depuis, allez savoir pourquoi, c'est à Barnett Newman qui soutenait que la difficulté de l'entreprise du peintre résidait avant tout dans la «verticalisation» de son support, que je ne cesse d'associer ce rêve. Christophe Cherix, catalogue exposition Dialogue 1, HUG, Genève

Sol, 1998, peinture alkyde sur Aerolam, 123 x 247 cm

Exposition Galerie Patrick Roy, 1995